Florian Evequoz / 2017-02-22

Conseil d’Etat valaisan 2017 : un panorama d’idées

Dans une campagne où l’on parle plus de queue de cheval, d’enfants naturels, de trahison, de coups de feu et d’autres anecdotes qui amusent la galerie au-delà des frontières cantonales, il pourrait être sain de revenir au fond du débat politique : les idées. Quelles sont les idées des candidats ? Peut-on comparer les idées défendues par les uns et les autres de façon objective ? Comment ?

Récolter et comparer les idées politiques fait partie de la mission de smartvote. Cet outil offre une recommandation de vote sur la base des réponses à un questionnaire, en trouvant les candidats qui ont les opinions les plus proches des vôtres. C’est un bon début. Mais ne pourrait-on pas en profiter pour comparer aussi les candidats entre eux, sur la base de leurs réponses à un référentiel commun de questions ? Et voir ce que cela raconte ? C’est ce que je propose de faire dans cet article.

Pourquoi cette analyse ?

Pourquoi faire ce travail, me direz-vous, puisque le Nouvelliste du 21 février publie justement en pages 4 et 5 sa propre analyse du profil des candidats sur la base de leurs réponses au questionnaire smartvote ? Pour une raison simple. L’analyse du Nouvelliste, réalisée selon toute vraisemblance en partenariat avec smartvote, se fonde principalement sur l’outil « smartspider » qui prétend mesurer l’importance que donne chaque candidat à certains thèmes politiques comme l’ouverture à l’étranger, l’ordre et la sécurité, la protection de l’environnement, la politique financière, etc. Chaque thème forme ensuite une des branches de la visualisation. Or, le smartspider propose certes une vue d’ensemble d’un profil politique mais manque notoirement de transparence :

  1. Il ne tient pas compte de toutes les réponses des candidats mais seulement de certaines.
  2. Il attribue aux réponses considérées des « poids » sur chaque thème politique, poids qui peuvent sembler arbitraires. Certaines questions portent sur plusieurs thèmes, les influençant positivement ou négativement, d’autres ne portent sur aucun thème.
  3. En voyant un smartspider, on ne comprend pas quelles questions se cachent sous chaque dimension ni ce que le candidat a répondu.
  4. Plus inquiétant peut-être, il semblerait, selon des milieux informés, que certains groupes ou politiciens fassent pression sur smartvote pour changer le poids de chaque question, voire font enlever certaines questions du décompte afin que leur smartspider plaise à leur électorat… Et leurs revendications pourraient être écoutées…

Au final, le smartspider brosse donc un portrait trompeur des candidats et ne nous indique pas leurs opinions sur la totalité des questions concrètes auxquelles ils ont répondu. C’est certes mieux que pas de portrait du tout, mais ce n’est pas suffisant. En outre, les conclusions que l’on tire en comparant ces portraits sont difficilement compréhensibles et le lien avec les questions individuelles est pour le moins opaque. La méthode que j’utilise dans cet article a l’avantage d’être entièrement transparente.

La méthode

Dans mon analyse, j’ai collecté les réponses des candidats aux 49 questions politiques de smartvote. Je n’ai pas considéré les 8 questions ayant trait au budget qui seront traitées en épilogue. J’ai ensuite simplifié les réponses (qui sont initialement « oui », « plutôt oui », « non », « plutôt non ») en simples « oui » ou « non » et les ai entrées dans un tableau. J’ai appliqué sur ce tableau un algorithme qui réorganise l’ordre des questions pour créer des groupes où les profils de réponse sont « similaires ». Ainsi des groupes de questions émergent. Je vous propose donc d’explorer les idées des candidats au Conseil d’Etat en suivant cette perspective. Notez que Bornet et Fischer-Willa n’ont pas complété le questionnaire smartvote et ne figurent donc pas dans cette analyse. Dans les tableaux ci-dessous, la légende est assez simple : une case verte signifie « oui », une case violette signifie « non ».

1. Tous d’accord

Deux questions font l’unanimité : tous les candidats sont contre l’introduction de l’anglais comme première langue étrangère et pour punir plus sévèrement la déprédation des lieux publics.

 

2. Gauche ou droite, choisis ton camp !

Sept questions marquent un certain clivage entre le camp bourgeois (PDC, PLR, ED) et la gauche (PS, PCS, Verts). Ce sont les questions portant sur l’introduction d’un salaire minimum, la RIE III, le droit de vote pour étrangers, l’adoption pour les couples homosexuels, etc. Il faut encore noter que, pour plusieurs de ces questions, le candidat PCS Bonvin suit plutôt la droite que la gauche. Autre particularité, en accord avec la droite et contre l’avis des candidats de l’alliance de gauche, le Vert Largey refuserait l’introduction d’un salaire minimum à 4000.-. Dernière question de la liste ci-dessous, l’organisation des JO 2026 divise la gauche tandis que la droite est unanime.

 

3. Progressistes contre conservateurs ?

Sept autres questions partagent assez clairement les candidats en deux groupes : la majorité de la gauche et du PLR contre la majorité des PDC et de ED. Peut-on parler d’un combat entre progressistes et conservateurs ? Peut-être. En outre, deux questions sont plutôt surprenantes. Tout d’abord, les candidats PDC, sauf Schmidt, ne soutiennent pas les structures de prise en charge extra-familiale, une mesure qui pourrait pourtant sembler profiter aux familles. Ensuite, Freysinger est le seul « conservateur » à soutenir l’assouplissement des procédures d’acquisition de permis de travail pour les requérants d’asile, une opinion qui peut étonner dans le programme de l’UDC.

 

4. PDC et Ensemble à Droite, même combat ?

Pour les questions ci-dessous, une belle unanimité entre le PDC et Ensemble à Droite (ED) se dégage, alors que les réponses des autres partis sont plus diverses et généralement moins compactes à l’intérieur des listes. Notez que Favre a également le même avis que le PDC et ED sur toutes ces questions. Les candidats de l’alliance de gauche ne sont jamais unanimes sur ces questions, et les candidats PLR ne le sont que sur une seule (refus de dépénaliser la consommation de cannabis). A une exception près (engagement financier pour les régions de montagne), Largey suit l’avis du PDC et d’ED.

 

5. Ensemble contre tous ?

Sur une série de questions touchant aux valeurs de société, ainsi que sur l’ordre et la sécurité, ou l’indépendance de la justice suisse, ED se retrouve en porte-à-faux avec la plupart des autres candidats, à de rares exceptions près. A noter : les candidats PLR sont, avec ED, en défaveur du port de vêtements couvrant la tête dans les écoles.

 

6. Tout seul à droite ?

Freysinger est seul ou presque à refuser les 6 mesures suivantes, ce qui rend sa position isolée à la droite de l’échiquier. Pour l’anecdote, au concours des « Neinsager » du questionnaire smartvote, Freysinger s’impose largement. Sur 49 questions, il répond 32 fois non. C’est 7 de plus que Darbellay, en deuxième place, et 9 de plus que Melly. De l’autre côté du classement, Bonvin, Pottier et Voide sont ceux qui disent oui le plus souvent, avec 31 réponses positives sur 49. Relativisons toutefois l’effet « Neinsager » : si les questions étaient tournées différemment, les rôles seraient inversés.

 

7. Tout le monde est pour

Outre les mesures ci-dessus refusées par Freysinger contre l’avis de tous les autres, d’autres mesures emportent une large adhésion parmi les candidats de tous bords, puisque seuls un ou deux candidats sur onze les refusent. Il s’agit peut-être de mesures pour lesquels les programmes officiels des partis sont muets et les candidats donnent plutôt leur opinion personnelle. Surprenant peut-être dans ce groupe de questions, le refus d’une exonération d’impôt pour les allocations familiales de la part de deux candidats de l’alliance de gauche.

 

8. Tout le monde est contre

Quasi-unanimité à nouveau, mais cette fois c’est en majorité non pour ces mesures-ci. A remarquer : le soutien de Largey (Verts) et Pottier (PLR) à la privatisation des entreprises cantonales, contre l’avis de tous les autres, ou le soutien de Voide et Bonvin au gel de l’effectif des employés d’Etat (quand bien même ils proposent tous deux d’augmenter le budget pour plusieurs missions de l’Etat, comme on le verra plus bas).

 

 

9. Ce qui reste…

Pour ce dernier groupe de questions, aucune tendance claire ne se dégage, sinon que Freysinger est le seul candidat à toutes les refuser. Les opinions sont souvent partagées à l’intérieur d’une même liste. A remarquer : le PDC, l’alliance de gauche et le candidat des Verts sont unanimes contre la majorité des ED-PLR à vouloir soutenir financièrement les fusions de communes. On peut aussi noter à titre anecdotique que Voide est d’accord avec des opinions de gauche contre une majorité de la droite sur certaines questions : transparence du financement des partis ou déduction fiscale pour les frais de déplacement. Quant à l’élargissement du Conseil d’Etat à 7 membres, ils sont une courte majorité (6 contre 5) à le défendre, dont 2 sortants sur 3 (Melly et Waeber) !

 

Epilogue : budget cantonal

Les 8 dernières questions proposées par smartvote traitent du budget cantonal. Pour une sélection de 8 postes d’investissement de l’Etat, il est demandé aux candidats s’ils souhaitent plutôt réduire, augmenter, ou ne pas changer le budget. Comme il y a cette fois 5 réponses possibles considérées, j’ai changé d’échelle de couleurs (cf. légende au bas de l’image).

 

Qu’y a-t-il à remarquer d’intéressant ? Plusieurs choses. Presque tout le monde s’accorde à demander plus de budget pour les transports publics et la formation. ED veut baisser globalement plus de postes que les autres partis, à savoir la santé, la protection de l’environnement et la prévoyance sociale, mais augmenter par contre la sécurité, la circulation et la formation. Waeber veut tout augmenter, sauf la circulation routière et la sécurité publique. Schmidt veut réduire nettement la protection de l’environnement surtout au profit de la sécurité. Darbellay souhaite principalement ne rien changer au budget, tout comme dans une moindre mesure Favre et Melly. Piquant : les ministres sortants (Melly, Freysinger, Waeber) veulent davantage de budget pour les missions de leur propre département… Mais est-ce vraiment une surprise ?

A vous de jouer !

Vous trouverez ci-dessous l’entier des réponses des candidats aux 49 questions politiques de smartvote, groupées selon les 9 dimensions explorées en détail ci-dessus. A vous de jouer ! Trouvez des corrélations originales ou des incohérences dans la position des candidats ou des partis. Croisez les opinions des candidats tirées de ces réponses politiques et voyez si cela est cohérent avec les augmentations, diminutions de budget qu’ils proposent. Et faites-nous part de vos conclusions en commentaire de cet article !